Éditorial | 10/01/2024

Renversement de vapeur

Cogefi Gestion

La lettre de Gestion Privée - janvier 2024

Les marchés ont cette étonnante et impressionnante capacité à changer de cap, parfois brutalement, sur des modifications d’anticipations qui peuvent s’apparenter plus à des espoirs. Tel a été une nouvelle fois le cas fin 2023.

Le troisième trimestre a en effet été dominé par le stress lié notamment à des banques centrales toujours offensives dans leur lutte contre l’inflation, provoquant un pic de rémunération sur les emprunts d’états à 10 ans (le rendement du T Bond américain atteignant ponctuellement les 5%). Puis, subitement, le marché a renversé la vapeur début novembre.

Abandonnant leurs manuels d’économie pour se réfugier dans la littérature des frères Grimm, les investisseurs ont vivement réagi au statu quo des banques centrales sur leurs taux directeurs décidé conjointement par la BCE et la FED début novembre. Ainsi se sont-ils massivement mis à anticiper des réductions significatives de taux directeurs en 2024, tout en maintenant une économie « ni trop chaude, ni trop froide », mais juste ce qu'il faut. Ce scénario, très sérieusement nommé « boucles d'or » en référence au conte du même nom, a alimenté la dialectique des opérateurs jusqu’à la toute fin de 2023.

Les indices boursiers ont ainsi été « hissés » vers des sommets historiques, voire au-delà, parallèlement à un violent retournement des marchés obligataires. Ces derniers ont intégré un important pivot des politiques monétaires de la Réserve fédérale américaine mais aussi de la Banque centrale européenne. Ainsi, les investisseurs les plus confiants se sont mis à anticiper des baisses de taux dès le 1er trimestre 2024 dans des proportions allant jusqu’à six réductions de taux pour ceux ayant l’imagination la plus fertile !

Il est raisonnable de penser que les banquiers centraux se sont engagés dans une pause monétaire et qu’ils laisseront leurs taux d’intérêt aux niveaux objectifs atteints en septembre 2023, voire en effet qu’ils les diminueront en 2024. Cependant, l’histoire économique, et non plus celle des contes pour enfants, est riche d’exemples d’inflexions de politique monétaire qui n’ont rien de symétriques. En effet, hausses et baisses de taux ne répondent pas exactement aux mêmes impératifs et ne s’orchestrent donc pas de la même façon et à la même vitesse. Ceci, sans compter cette fois que des échéances électorales d’importance, notamment aux États-Unis, les contraindront dans leur calendrier d’intervention. Dans cet environnement, les marchés ont connu une revalorisation significative de fin d’année, tant au niveau des actions que des obligations. Ce rattrapage a été particulièrement significatif pour les plus petites capitalisations boursières, jusqu’ici totalement délaissées.

L’année 2024 débute donc avec des indices boursiers sur leurs plus hauts et des attentes importantes en termes de détente monétaire, le tout dans un climat géopolitique perturbé avec un échéancier électoral chargé. Si les actions, européennes notamment, n’affichent pas de valorisations trop élevées, nous abordons néanmoins ce nouveau millésime avec une forme de retenue et la volonté d’observer si les prédictions des investisseurs de la fin 2023 seront bien au rendez-vous de ce 1er trimestre. Renverser la vapeur est une chose, aller à pleine vapeur en est une autre.

 

Rédigé le 10 janvier 2024