Éditorial | 15/04/2025

La Lettre de Gestion Privée | Avril 2025

Un moment de rupture : Make Europe Great Again ?

Depuis le début de l’année, les marchés s’inquiétaient des conséquences de la politique de l’administration Trump. Un ralentissement de la conjoncture économique américaine était déjà tangible  au premier trimestre, avec un recul de la consommation et un marché de l’emploi plus tendu. Ce 2 avril, lors du « Liberation day », ces craintes ont pris une tout autre dimension !

L’annonce d’une hausse généralisée moyenne de 22% des droits de douane vers les Etats-Unis, hors pharmacie et semi-conducteurs, a fait l’effet d’un séisme sur les marchés. S’ils sont maintenus, leur impact négatif sur le PIB américain pourrait être de 0,9% en 2025 et conduirait à une hausse de l’inflation de 2,3% supplémentaire, selon une étude de l’université de Yale. Ce tableau bien sombre pour l’économie américaine est encore difficile à entériner puisque des négociations par pays vont débuter et que cette guerre commerciale s’analyse à différents niveaux.

Scott Bessent, secrétaire d’Etat au Trésor, rappelait ainsi début février qu’il se concentrait avec Donald Trump « sur le rendement des bons du trésor à 10 ans ». Est-ce l’une des clés de ces annonces tarifaires avec l’objectif de réduire le coût de la dette représentant 125% du PIB ? Les Etats Unis doivent en effet faire face à une charge financière colossale, renchérie par la hausse des taux longs depuis la victoire de Donald Trump. Si la Maison Blanche veut honorer son programme électoral et présenter un budget à l’été incluant comme promis des baisses d’impôts, il faut d’une part relever ou suspendre le plafond de la dette, et d’autre part et surtout diminuer sa charge en faisant notamment baisser le rendement du 10 ans américain. C’est précisément ce qui se passe, le T-Bond refluant vers les 4% depuis que les craintes de récession se font jour avec les annonces des tariffs. L’équation est périlleuse pour l’économie mondiale, mais il y a donc fort à parier qu’une fois le budget adopté, la guerre commerciale puisse s’atténuer au cours du second semestre de cette année.

La crise actuelle donnera-elle à l’Europe l’opportunité d’accélérer ? On a tout lieu de le croire … Prise en étau entre une Chine prédatrice et des Etats-Unis protectionnistes, l’Europe doit agir et vite. « J’ai toujours pensé que l’Europe se ferait dans la crise et qu’elle serait la solution donnée à ces crises ». Si on se réfère à cette citation de Jean Monnet, l’un des « pères de l’Europe », c’est bien dans ces moments que l’Europe se révèle… Et de fait, après la fracture de la protection du parapluie militaire américain en février et le début de cette nouvelle guerre commerciale, l’Europe a déjà donné des signes encourageants.

Sur la base du rapport de Mario Draghi recommandant l’Union européenne d’investir davantage pour accroître la productivité et éviter une « lente agonie », la Commission européenne a présenté en janvier « la boussole pour la compétitivité ». Elle vise à avancer sur 3 axes clés, l’innovation, la décarbonation et la sécurité. La réforme du frein à l’endettement adopté par le parlement allemand en mars donne dès lors des moyens pour investir, et un plan d’infrastructure et de réarmement de 800 Mds EUR a déjà été annoncé.  D’autres réformes accordant plus de flexibilité au secteur bancaire sont aussi susceptibles d’être décidées.

A ce stade, notre analyse conduit donc à rester constructif sur les marchés pour 2025, et en particulier sur l’Europe qui a attiré des flux de capitaux significatifs au cours du premier trimestre. Avec une possible atténuation à venir de la guerre commerciale, et des baisses de fiscalité aux Etats-Unis annoncées pour le second semestre, le marché devrait reprendre de la hauteur. Si des opportunités pourraient être à saisir sur les marchés américains après la purge, l’Europe devrait également tirer son épingle du jeu. 

Rédigé le 10 avril 2025